Deshumanisation

Je suis à la maison de retraite , la dame à côté de maman me dit un  bonjour plaintif , je m'inquiète donc de ce qui ne va pas . Elle a eu des coliques et semble tracassée , je me dirige dans la salle de bains pour laver le dentier de ma mère et effectivement , l'odeur me renseigne sur l'inconfort de cette pauvre dame qui n'a pas su déposer dans la poubelle ses couches salies , l'état des toilettes m'oblige à chercher du secours auprès d'une femme de ménage que je ne trouve pas tout de suite . J'entreprends alors le nettoyage des lieux , j'ai une éponge et de l'eau de javel dans un placard , ce n'est pas la première fois que je fais ça .Enfin , je vois une personne en rose poussant un chariot avec poubelles et balais , vite , je lui demande si elle veut bien vider la poubelle malodorante , la réponse m'a laissée sans voix : " ce n'est pas mon service "! devant mon amabilité ( j'ai appris que plus on était aimable , plus le personnel répondait à mes sollicitudes ) , cette personne a  vidé la poubelle . Donc , si une pièce est pleine d'excréments , vous avez interêt à tomber sur une femme de ménage qui appartient au service , sinon , vous attendez ! Quand je suis rentrée à l'hôpital psychiatrique en 1976 comme infirmière , on faisait tout : toilettes des patients , prises de sangs , perfusions , lits , ménage , promenades , tricots ...c'était le cadre unique , il n'y avait pas de femmes de ménage , pas d'aides soignantes . Ce n'était pas non plus idéal mais au moins , on connaissait nos patients par coeur , même lorsqu'on était en remplacement , les unités en gériatrie pouvaient accueillir 30 malades , on était des équipes de sept ou huit . J'ai connu les dortoirs , les douches communes , les draps pour essuyer les patients faute de serviette , la psychiatrie a toujours été le parent pauvre de la médecine , mais au moins , personne ne réchignait à ramasser un pipi , et on connaissait tout le monde avec les travers de chacun . Aujourd'hui , le personnel n'a plus envie de bien faire , il est en voie de disparition et cantonné à des tâches bien précises , ce qui nuit aux pauvres vieux qui n'y sont pour rien dans l'organisation d'une maison de retraite .